En quoi consiste la pratique du TaiJiQuan ?

TaiJiQuan : la boxe du principe premier

Quel est ce principe premier ?

Celui de la nature profonde des êtres quand ils vont et vivent par eux-mêmes. Ils s’équilibrent avec leur milieu. C’est le principe du Yin-Yang. Une attaque violente et rapide suscite un effacement doux et tranquille chez le pratiquant. L’attaquant est désarçonné, déséquilibré. Sans opposition il tombe.
C’est ce même principe qui, quand il est libre de se déployer, nous garde en bonne santé.
C’est pour cela que le TaiJiQuan est simultanément et indissociablement un art de santé et un art de défense.

Comment réaliser cela ?

En se cultivant par un entraînement bien dirigé qui va développer notre capacité à répondre aux sollicitations du monde et de nos partenaires par la douceur. Aussi le cœur du travail consiste-t-il à surmonter les réactions instinctives de durcissement, qu’elles soient liées à l’avidité ou à la peur. Il faut bien repérer ces deux mouvements en nous. L’avidité ce peut être celle d’être perçu comme brillant ou fort ; c’est l’avidité de réussir. Et la peur ce peut être celle de paraître nul ou pas à la hauteur ; c’est la peur de l’échec.

Et concrètement ?

Concrètement le cœur de l’entraînement se focalise, en pratique, autour de Zhong Ding — l’équilibre central — et de Fang Song — le douceur expansive. Toujours percevoir le coccyx et le maintenir au centre. Ouvrir l’ensemble des tissus et des articulations dans la douceur. Favoriser l’utilisation des images, en particulier celles qui procurent des impressions de légèreté et de douceur. Opposer au réflexe de durcissement, le plaisir du mouvement doux et léger.
De cette façon c’est une nouvelle carte neurale de soi et du corps qui se tisse progressivement. Cela s’appelle cultiver le ‘Qi’.

Éléments pour la pratique

La douceur est essentielle au TaiJi. Sans elle il n’y a qu’une gymnastique vide ou au mieux un art martial externe qui n’a rien de plus que les autres et même un peu moins, car dans ces conditions on se leurre sur son potentiel.
La douceur (Fang Song) n’est pas la mollesse. Le terme chinois signifie quelque chose comme « aéré », « détendu », « léger » opposé à « serré », « dense ». Quand il y a « douceur », les tissus qui composent notre corps de chair sont ouverts, tendres, cotonneux et non pas durs ou resserrés. Ainsi comparativement à un morceau de bois ou même de caoutchouc, une touffe de coton est « Fang Song ».
Seul un entraînement appliqué et bien dirigé peut procurer cet état. Tous les exercices proposés dans l’école WU peuvent et doivent être pratiqués en recherchant « Fang Song ».

LES EXERCICES — pour commencer
L’un des moyens les plus efficaces consiste, dans une première phase, à s’efforcer de ressentir la lourdeur des membres (et particulièrement des bras) dans tous les mouvements et toutes les postures et à amenuiser les efforts que vous êtes amenés à faire pour vous mouvoir. Si vous persistez un moment dans l’exercice en utilisant vos muscles comme à l’ordinaire, alors vous finissez par vous fatiguer. Vous êtes au bon endroit. Sentez alors, si vous relâchez la respiration, la façon dont le poids du corps (os, muscles et viscères) vient peser maintenant dans les pieds et le sol. N’ajoutez pas de force pour faire le mouvement. Enlevez-en, au contraire. Lâchez le diaphragme et cherchez à faire le mouvement en utilisant votre corps différemment. Cherchez ailleurs que dans vos habitudes. Quand vous commencez à sentir et faire tout cela, vous êtes engagés sur la piste de la douceur. Et cette quête de libération des tensions n’a pas de fin... Quelle merveille !

LA FORME — pour continuer
Dans la pratique de la forme vous découvrirez progressivement, même si vous ne faites que quelques mouvements, comment les faire « moins durs ».
Imaginez qu’au lieu de mobiliser tous les muscles habituels, vous n’utilisez que quelques fibres musculaires — le moins possible — pour accomplir la même chose. Sans sacrifier à sa précision, cherchez sans relâche l’économie et la simplicité du geste. Sentez combien habituellement vous serrez, combien vous contraignez la respiration, combien vous suspendez votre chair au lieu de la laisser couler et s’appuyer au sol.

Arbre offrant ses fleurs

L’ARBRE — indispensable
Dans la posture de l’arbre, fondamentale dans tous les arts martiaux chinois, nous recherchons au TaiJi le « sans force » et la douceur. Quand vous êtes installés en MaBo (posture du cavalier) et positionnés avec les bras en cercle devant vous, majeurs à l’horizontale, doigts ouverts, coudes ouverts et relâchés, tout votre travail va consister à détendre, desserrer. Menton rentré, coccyx rentré, les courbures cervicales et lombaires s’estompent un peu. Le regard reste vers le bas, le poids du corps pèse légèrement plus sur l’avant des pieds. Progressivement et tranquillement vous allez faire que vos mains, vos poignets, vos épaules, vos hanches, vos pieds et tout votre corps s’installent et se fondent avec l’air ambiant. Progressivement vous libérez les épaules, le haut du dos et de la poitrine. La cage thoracique n’est plus une cage, le péricarde est assoupli, libéré d’attaches trop tendues. Votre cœur s’épanouit.
Voyez comment, dès que survient une pensée « volontaire » — comme de chercher à modifier à peine votre posture — quelque chose se serre dans votre corps. Il faut donc aussi — et surtout — relâcher l’esprit. Vouloir sans trop vouloir : légèrement, un peu, sous forme de « caresse » : sitôt qu’on veut, ne vouloir qu’un peu et très vite arrêter de vouloir , laisser faire, écouter. Mais si la douleur vient ou la lourdeur, alors à nouveau « vouloir » lâcher un peu, quelque part... Et ainsi progressivement adoucir notre esprit et l’unir à notre corps.

Si vous faites régulièrement l’exercice en cherchant dans cette direction, votre esprit va se calmer et toutes vos articulations vont se détacher, s’ouvrir et « sourire ». Et au fil de ce travail vos bras et vos épaules vont devenir vides et légers.

LE TUISHOU — épanouissement
Cette sensation mettez-la alors dans le TuiShou. Avec votre partenaire, veillez simplement à ne rien ajouter au contact que vous avez avec lui. Contentez-vous de coller à lui et de le suivre avec légèreté. N’ajoutez rien en propre. Aucune opposition. Soyez dociles : vous allez progressivement sentir toutes les opportunités qui surgissent de votre échange et pouvoir conduire le partenaire vers la faute et le pousser...

Du gris à la lumière...

LA FORME — y revenir...
Et maintenant revenez à la forme. A chaque mouvement vous êtes en contact avec un adversaire invisible. Collez à lui avec cette légèreté. Les mouvements sont agiles et fluides. Efforcez-vous de ne rien mettre en propre, comme dans le TuiShou. Entraînez-vous ainsi, régulièrement. Entrez dans cet état, habitez-le, habituez votre corps et votre esprit à cette douceur. Le poids descend et vous enracine ; l’esprit est vif et le corps agile. Les équilibres s’affermissent. Progressivement vous vous remplissez d’énergie.

Posté le 26 septembre 2017 par Vincent Béja